Comme nous l’indiquons plus haut, les acteurs des entreprises familiales utilisent plusieurs niveaux de langage dont les confusions sont à l’origine de nombreux dysfonctionnements ; que ces confusions soient voulues stratégiquement ou que l’existence même de ces niveaux soient ignorées par les acteurs. On peut ainsi distinguer :
• Le langage familial qui concerne la parentalité, la conjugalité et les liens de parité (frères, sœurs, cousines...)
• Le langage patrimonial qui concerne l’ensemble de la richesse de la famille
• Le langage capitalistique qui concerne la propriété de l’entreprise (que soit en action, immobilier, brevet...)
• Le langage opérationnel qui concerne toutes les fonctions contractualisées au service des opérations de l’entreprise (fonctions support, R&D, production...)
A chacun de ces langages, correspond un registre de comportements et de responsabilités qui lui est propre. La grande difficulté dans ces entreprises c’est de savoir « qui » parle, c’est-à-dire qui et à quel titre. En effet, une seule et même personne peut endosser les rôles de président du conseil d’administration, d’enfant du fondateur, de directeur des opérations, de dauphin putatif, d’actionnaire...
L’absence de distinctions de ces registres de langage entraîne une insécurité et un sentiment d’appartenance ambivalent de chacun au sein de l’écosystème familial. C’est pourquoi, un travail permettant aux familiaux d’articuler ces niveaux logiques permet à chacun de clarifier les responsabilités de chacun. A défaut, tous les abus sont implicitement autorisés.
Dans un groupe familial que nous accompagnions, le directeur général d’une des sociétés, aîné de fratrie, avait immobilisé avec des blocs de béton, sur le parking de l’entreprise, la voiture de sa sœur cadette (directrice marketing d’une autre société du groupe) au motif qu’il n’était pas d’accord avec une décision du conseil d’administration du groupe dont elle avait été l’instigatrice en tant que présidente de ce C.A. Les deux autres frères expliquaient ce geste voire le justifiait par le fait qu’elle avait atteint la fierté de son frère ainé. Mais à quel titre ce frère agissait-il ? Comme directeur général ? Comme membre du conseil d’administration ? Comme salarié de la société ? Comme frère bafoué ? Évidemment, en fonction de la réponse, les conséquences ne pouvaient pas être les mêmes. Et qui visait-il ? La présidente de CA, la directrice marketing, l’actionnaire ou la sœur ?