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Les entreprises familiales sont un lieu de drames au sens théâtral du terme. En effet, s’y nouent et s’y dénouent des liens particulièrement chargés en émotions, sur des scènes diverses qui ont chacune leurs propres enjeux et avec des acteurs identiques qui entremêlent des registres de langage différents. Il en découle des paradoxes, des contradictions, des malentendus, et toute une série d’émotions allant de l’exaltation à la frustration et créant des phénomènes de jeux de pouvoir, de dettes relationnelles voire de trahison.
L’approche systémique, c’est-à-dire l’approche consistant à regarder avant tout les modalités d’interaction entre les acteurs et de structuration d’un groupe, ici l’entreprise familiale, permet d’intervenir directement au cœur des dysfonctionnements. Voici un aperçu du regard systémique que nous pouvons poser sur une entreprise familiale.
Comme nous l’indiquons plus haut, les acteurs des entreprises familiales utilisent plusieurs niveaux de langage dont les confusions sont à l’origine de nombreux dysfonctionnements ; que ces confusions soient voulues stratégiquement ou que l’existence même de ces niveaux soient ignorées par les acteurs. On peut ainsi distinguer :
• Le langage familial qui concerne la parentalité, la conjugalité et les liens de parité (frères, sœurs, cousines...)
• Le langage patrimonial qui concerne l’ensemble de la richesse de la famille
• Le langage capitalistique qui concerne la propriété de l’entreprise (que soit en action, immobilier, brevet...)
• Le langage opérationnel qui concerne toutes les fonctions contractualisées au service des opérations de l’entreprise (fonctions support, R&D, production...)
A chacun de ces langages, correspond un registre de comportements et de responsabilités qui lui est propre. La grande difficulté dans ces entreprises c’est de savoir « qui » parle, c’est-à-dire qui et à quel titre. En effet, une seule et même personne peut endosser les rôles de président du conseil d’administration, d’enfant du fondateur, de directeur des opérations, de dauphin putatif, d’actionnaire...
L’absence de distinctions de ces registres de langage entraîne une insécurité et un sentiment d’appartenance ambivalent de chacun au sein de l’écosystème familial. C’est pourquoi, un travail permettant aux familiaux d’articuler ces niveaux logiques permet à chacun de clarifier les responsabilités de chacun. A défaut, tous les abus sont implicitement autorisés.
Dans un groupe familial que nous accompagnions, le directeur général d’une des sociétés, aîné de fratrie, avait immobilisé avec des blocs de béton, sur le parking de l’entreprise, la voiture de sa sœur cadette (directrice marketing d’une autre société du groupe) au motif qu’il n’était pas d’accord avec une décision du conseil d’administration du groupe dont elle avait été l’instigatrice en tant que présidente de ce C.A. Les deux autres frères expliquaient ce geste voire le justifiait par le fait qu’elle avait atteint la fierté de son frère ainé. Mais à quel titre ce frère agissait-il ? Comme directeur général ? Comme membre du conseil d’administration ? Comme salarié de la société ? Comme frère bafoué ? Évidemment, en fonction de la réponse, les conséquences ne pouvaient pas être les mêmes. Et qui visait-il ? La présidente de CA, la directrice marketing, l’actionnaire ou la sœur ?
Un autre thème est celui du lien, c’est-à-dire des dettes contractées entre membres de la famille. Comment se fait-il qu’il soit très difficile, voire impossible de fuir une entreprise familiale ? C’est parce que les entreprises familiales créent de la dette à tous les étages ! À titre d’exemple, dans le cadre d’une transmission, on reçoit tant le capital que les dettes (plan financier), le successeur hérite de la culture managériale de la génération du dessus (niveau des opérations), on hérite d’une histoire qu’implicitement les nouveaux élus doivent faire fructifier (plan familial) !
Être en lien, c’est être en dette. Être quitte, c’est ne plus être en lien. Tant que la dette circule, tout va bien. Les choses se compliquent lorsque la circulation s’arrête. Les intérêts flambent et la confiance est mise à mal. Apurer la dette, c’est donc trahir. Ce qui nous amène à notre troisième thème : la question de la loyauté.
Les conflits de loyauté sont fréquents dans les entreprises familiales et peuvent devenir des sources majeures de tension. Les membres doivent souvent naviguer entre la loyauté à la famille et à l'entreprise, ce qui peut mener à des situations de trahison perçue, où les actions d'un membre sont vues comme contraires aux intérêts de l'entreprise ou de la famille. Dans les entreprises familiales, le risque de conflit de loyauté est d’autant plus grand que les intérêts sont multiples :
- Loyauté à la famille versus l’entreprise
- Loyauté de la conjugalité/entreprise
- Loyauté de la conjugalité/famille
- Loyauté au capital/famille, etc.
Les interventions dans les entreprises familiales doivent être adaptées à la complexité des situations rencontrées. Elles peuvent inclure des accompagnements individuels, de réunions de famille ou des interventions au niveau du conseil d'administration. Elles nécessitent de prendre en compte l’écosystème des intervenants extérieurs à l’entreprise familiale : notaire, avocat, expert-comptable... avec lesquels il peut être utile de collaborer pour leur permettre de comprendre les enjeux relationnels. L'objectif est de clarifier les rôles, d'articuler clairement les niveaux de responsabilité et de favoriser une meilleure compréhension des enjeux relationnels par tous les acteurs impliqués.
Pour savoir par où commencer, nous cherchons à clarifier les enjeux de la demande afin de voir quelles instances sont concernées. Exemples :
- Conseil de famille : un enjeu affectif et d’appartenance
- Conseil d’administration : un enjeu capitalistique et de rentabilité
- Comité de direction : un enjeu d’opérationnalité et de stratégie
Souvent, les niveaux sont tous concernés. C’est le cas lors d’une transmission qui n’est pas qu’un simple transfert de responsabilités, mais également une période de profonde remise en question personnelle pour le dirigeant cédant, écartelé entre la préservation et l’innovation, l’attachement et le lâcher-prise, le contrôle et la confiance.
Cette période de transmission est un deuil qui affecte l’ensemble des caractéristiques du système familial concerné :
- Son orientation : une transmission pour quelle mission, quelle vision, quels objectifs stratégiques ?
- Ses acteurs : modification des relations entre les membres de la famille et donc de leurs identités, de l’engagement des salariés, de la fidélisation des clients et des fournisseurs...
- Les modalités relationnelles : mise en question des loyautés, apurement des dettes, gestion des frustrations...
- Les appartenances : redéfinition des inclusions et exclusions au sein de la gouvernance
- Les frontières : renforcement ou distanciation des liens entre famille et entreprise, redéfinition des rôles des membres de la famille au sein de chaque instance...
- L’histoire : réévaluation du récit officiel supposé partagé par tous.
La transmission d’une entreprise familiale, vue à travers le prisme systémique, est un processus complexe qui touche à l’identité même de l'organisation. Comme dans toutes nos interventions, afin de faciliter une transmission, nous chercherons à empêcher les non-dits de nourrir les rancunes, à favoriser l’expression d’émotions multiples dans la limite de la sécurité de tous, à expliciter et normaliser les intérêts des uns et des autres, à sortir de la culpabilité et donc d’un registre de langage moral, et à projeter la famille sur un projet business clair et ambitieux.
Auteur : Arnaud Bornens