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Entretien avec Sophie Hennekam, Professeur et experte Audencia.
Q : On estime qu’environ 15 à 20 % de la population active en Europe est neurodivergente*. Selon vos recherches, quels sont les principaux défis auxquels ces salariés et les organisations doivent faire face ?
R : Dans notre étude empirique auprès de 324 étudiants neurodivergents et 25 travailleurs, nous avons constaté que le défi majeur vient de la persistance des normes neurotypiques. Beaucoup ressentent une pression à masquer leurs différences : forcer le contact visuel, imiter des comportements attendus, cacher des réactions naturelles pour paraître « professionnel » et neurotypiques.
Ce masquage est épuisant et a des conséquences négatives sur la santé et la carrière. Pour les organisations, le problème est que ces normes créent des inégalités structurelles, même lorsqu’il existe des politiques de diversité.
Nous avons aussi observé que la classe sociale joue un rôle clé : l’accès au diagnostic et aux aménagements n’est pas égal, ce qui accentue les inégalités. Dans notre revue des pratiques de 2024, nous montrons aussi que beaucoup de pratiques RH sont encore construites sur une logique « one-size-fits-all », qui ignore la diversité cognitive et contribue à renforcer ces difficultés
* Variations naturelles du fonctionnement cérébral, incluant l’autisme, le TDAH, la dyslexie et d’autres particularités cognitives.
Q : Si vous deviez donner aux DRH trois mesures concrètes à mettre en place dès maintenant, lesquelles seraient-elles ?
R : Nos résultats pointent trois priorités claires :
1. Challenger des normes neurotypiques.
Les processus et les pratiques en entreprises reflètent des normes neurotypiques et cela peut mettre des personnes neurodivergentes en difficultés. En effet, il est attendu de pouvoir prendre facilement la parole, réseauter sans effort etc. Il faut valoriser les résultats et les contributions réelles, pas uniquement le style.
2. Réduire les barrières à l’accès au soutien.
Le diagnostic est coûteux et inégalement accessible. Conditionner les aménagements à un certificat médical renforce les inégalités. Les RH doivent proposer des accommodements basés sur les besoins exprimés.
3. Normaliser les pratiques inclusives.
Notre revue de 2024 recense des leviers existants : recrutement et intégration adaptés, conception des postes, flexibilité du travail, programmes de formation, réseaux de salariés (ERGs), structures de soutien.
Ces pratiques doivent devenir des normes partagées, et non des exceptions accordées au cas par cas.
Q : Si les organisations et les RH n’agissent pas, quels sont les risques — pour les salariés neurodivergents et pour les entreprises elles-mêmes ?
R : Pour les salariés, le risque est la poursuite de l’exclusion et de la stigmatisation. Le camouflage entraîne stress, burn-out et progression de carrière limitée.
Pour les entreprises, le danger est double :
• D’une part, les inégalités perdurent, créant un écart entre les discours officiels et l’expérience vécue.
• D’autre part, les organisations s’enferment dans des pratiques RH dépassées, qui réduisent leur capacité à attirer et fidéliser des talents.
Dans notre revue de 2024, nous avons noté que certaines pratiques inclusives existent déjà dans des entreprises (par exemple flexibilité, adaptation des processus de recrutement), mais que leur mise en œuvre reste inégale. Ne pas les généraliser, c’est courir le risque de rester à la traîne en matière d’équité et d’efficacité organisationnelle.
Q : Et si les organisations parviennent à remettre en cause ces normes neurotypiques, à quoi ressemblerait un lieu de travail plus inclusif ?
R : Un lieu de travail inclusif serait un espace où les salariés neurodivergents ne se sentent plus obligés de porter un masque. Au lieu de devoir s’adapter aux normes, ce sont les structures qui s’ajustent à eux.
Concrètement, cela veut dire :
• Multiples modes de participation (oral, écrit, asynchrone).
• Communication claire et prévisible dans l’organisation du travail.
• Soutiens accessibles sans diagnostic obligatoire.
• Mise en place de leviers RH structurants : onboarding inclusif, postes conçus de façon flexible, télétravail, formations de sensibilisation, groupes de ressources pour salariés.
Comme nous l’avons montré dans notre revue de 2024, ces pratiques dites « universelles » profitent à tous les employés. Mais pour les personnes neurodivergentes, elles transforment véritablement l’expérience de travail. C’est là que se situe le véritable changement : passer d’ajustements individuels à une refonte systémique des normes organisationnelles.