D’après une étude du Centre d’Information et Document Jeunesse (CIDJ) publiée en 2018, seuls 17% des métiers sont mixtes (lorsque les proportions d’hommes et de femmes représentent chacune entre 40 et 60% des effectifs). Pourquoi les femmes travaillent-elles toujours davantage dans les ressources humaines ou la communication par exemple, tandis que les hommes sont encore largement majoritaires dans l’informatique ou la finance ?
En juin 2021, la Chaire Impact Positif d’Audencia a lancé une étude qualitative sur les choix d’orientation des étudiant(e)s et le poids des stéréotypes de genre. Cette étude a été menée avec KPMG, grand mécène de la Chaire. Convaincu que la mixité est à la fois un enjeu de justice sociale et de performance économique, KPMG souhaite la renforcer, mais peine à recruter des femmes pour certains métiers spécifiques du conseil en finance.
Pour mieux comprendre les déterminants des choix d’orientation et de carrière, nous avons interrogé des étudiant(e)s, mais aussi différents acteurs pouvant influencer leurs choix, comme des enseignant(e)s, des consultant(e)s carrière et des professionnel(les) du secteur de la finance.
Choix d’orientation, une question de goût ?
A première vue, les choix de spécialisation des étudiant(e)s sont avant tout motivés par leurs appétences. Mais pour autant, il existe un déséquilibre notable en matière de mixité dans certaines filières comme la finance, les ressources humaines ou encore la communication. Alors, quels sont les autres critères qui motivent les choix d’orientation ?
L’étude a confirmé que des biais sociétaux de genre pèsent également dans la balance. L’éducation (famille, amis, scolarité…) joue un rôle à travers l’intériorisation des qualités et rôles sociaux attribués aux filles et aux garçons dès le plus jeune âge.
Les filles sont plus souvent décrites comme douces, empathiques, ayant une sensibilité émotionnelle et le souci des autres. Tandis que les garçons seraient davantage compétiteurs, ambitieux, « bons en maths ». Et le système scolaire entretiendrait l’idée selon laquelle filles et garçons n’ont pas les mêmes goûts ni compétences, ce qui conditionnerait les choix d’orientation.
Cela s’observe dès le lycée à travers les choix de spécialité en première : « Les filles sont ultra majoritaires au sein de la triplette humanités-littérature-philosophie, langues, sciences économiques et sociales (85 % contre 15 %) tandis que les garçons le sont en mathématiques-numérique-sciences informatiques-physique-chimie (87 % contre 13 %) » (Source : Le Monde).
Et la même tendance se poursuit dans l’enseignement supérieur : « On compte 28 % de femmes dans les écoles d’ingénieurs alors qu’elles sont 85 % dans les formations paramédicales et sociales. A contrario, à l’université, en 2017-2018, elles représentaient 70 % des étudiants en langues, lettres et sciences humaines. Et si leur part a légèrement progressé dans les formations scientifiques, elles n’étaient que 28 % en sciences fondamentales » (Source : Le Monde).
Mixité des métiers : comment écoles et entreprises peuvent-elles agir ?
Pour favoriser la mixité des métiers, il est avant tout nécessaire d’encourager garçons et filles de la même manière, et ce dès le plus jeune âge. Mais il n’est jamais trop tard : les écoles du supérieur et les entreprises peuvent aussi agir pour dépasser les stéréotypes et ouvrir le champ des possibles.
Les pistes d’action sont nombreuses :
- Informer, faire connaitre et briser les clichés en fournissant des informations concrètes sur le quotidien des métiers.
- Faire témoigner des rôles modèles féminins et masculins pour permettre aux étudiants de s’identifier et de se projeter.
- Faire intervenir les entreprises dès le lycée auprès des jeunes pour faire connaitre la diversité des métiers, et dès la première année dans le supérieur, avec, pourquoi pas, un parcours de découverte en entreprise, en amont des recrutements pour les stages de fin d’études.
- Au sein de l’entreprise : offrir des conditions de travail favorables à l’égalité femmes-hommes : horaires flexibles, conciliation des temps de vie, allongement du congé paternité. Veiller à l’égalité d’accès aux postes à responsabilité et sensibiliser au sexisme ordinaire.
- Communiquer sur les actions responsables de l’entreprise : même si la Responsabilité Sociétale des Entreprises n’est pas considérée comme un critère de choix déterminant par les étudiant(e)s, elle constitue un atout pour attirer et fidéliser les talents.
Ecoles et entreprises peuvent donc agir conjointement en faveur d’une meilleure mixité en aidant les étudiant(e)s et candidat(e)s à se libérer des biais sociétaux liés au genre : fille ou garçon, toutes les orientations sont possibles ! Le déficit d’hommes ou de femmes dans certains secteurs peut même se transformer en atout pour certains candidat(e)s : l’action positive au profit de la mixité autorise les entreprises à privilégier le genre le moins représenté dans l’entreprise, si les candidats short-listés présentent des « compétences égales ».
Article co-rédigé par Mélanie Dugué & André Sobczak pour la Conférence des Grandes Ecoles